Voyage au pays des manchots
Les îles Malouines. Un territoire grand comme la Sardaigne, perdu à 650 km à l’est d’Ushuaia, peuplé de quelques 2.800 habitants, battu par les vents 11 mois par an, autant dire un territoire peu hospitalier et très peu touristique.
Si cette terre aride et inhospitalière n’avait pas suscité un grand intérêt pour John Davis, le premier explorateur à avoir découvert ces îles en 1592, les marins de Saint Malo y ont tout de même créé la première colonie en 1764 et ont donné leur nom à ces îles, avant de se faire expulser en 1766 par les espagnols.
Territoire anglais depuis 1833 et revendiqué avec force, meurtri par le conflit de 1982, les Malouines sont un archipel constitué de deux iles principales et de plusieurs dizaines d’iles et ilots. Reliés par un bac, les deux iles offrent un réseau de pistes bien entretenues, qui permettent d’approcher à bord d’un 4×4 les plages de sable blanc, les fonds marins aux couleurs tropicales, le tout peuplés de milliers de manchots.
Se rendre aux Malouines est un peu une expédition. Il faut s’envoler au départ de Madrid, pour 13h45 de vol jusqu’à Santiago, au Chili, puis après 20h d’attente repartir pour Punta Arenas, et enfin les Malouines, soit un trajet de près de deux jours. Je profite de ce stop au Chili pour visiter la ville de Santiago. Après avoir profité des 35 degrés de Santiago en ce début février, je m’envole le lendemain matin pour Punta Arenas puis les Malouines.
Le vol pour les iles est complet, rempli de Péruviens qui se préparent à embarquer sur les gros bateaux de pêche à destination de l’antarctique. L’arrivée à l’aéroport en impose, en effet il s’agit d’une base militaire anglaise toujours très active. L’interdiction de prendre des photos m’a valu de me faire hurler dessus par un militaire en faction. Un grand « Sorry » m’évite d’autres soucis.
Pour commencer ce périple en solo et me mettre dans l’ambiance, j’avais choisir de passer les trois premiers jours sur la plage de Volunteer Point, apparemment le « must » des Malouines. Le trajet pour aller sur cette plage est d’une heure de piste puis de deux heures d’off-road pur. Derek, le fermier propriétaire de cette partie de l’île, n’autorise pas les 4×4 de location à traverser ses terres. Il fait donc le taxi à bord de son Toyota et m’emmène sur cette fameuse plage.
Et aux Malouines, le terme off-road prend tout son sens. Ici on ne suit pas une piste, on navigue au cap, exactement comme en bateau, en se repérant aux rares collines. Assez impressionnant, mais mon chauffeur connaît son boulot et mène son Toyota préparé avec calme et efficacité. Après deux bonnes heures un peu physiques, Derek me dépose sur la plage, où je dormirai sous la tente pour les deux prochaines nuits. Sa maison située à 15 minutes à pied permet d’y prendre un douche et de se ravitailler.
Je ne suis pas un passionné de vie sauvage, mais se retrouver le seul humain sur cette plage de sable fin, au milieu d’une colonie de …. 5.000 manchots, en absolu liberté, ce fut un véritable choc. J’ai passé ces trois jours à vivre au milieu des manchots Royaux, de Magellan et Papou, qui vivent en totale harmonie, loin des agressions humaines. Les Royaux sont magnifiques, avec leurs couleurs vives et leur pelage blanc brillant. Les Magellan sont plus petits, aux couleurs plus ternes et sont assez sauvages.
Mon coup de cœur ira aux Papous, ces manchots dignes d’un dessin animé, avec leur bec et leurs pattes oranges, se déplaçant maladroitement, ce qui leur donne immédiatement un air attachant. A cela s’ajoute leur curiosité, qui m’a valu de me retrouver plusieurs fois entourés et touché par leur bec.
Débordant de vie, ces manchots m’ont offert un spectacle unique, et m’ont permis d’appréhender leur mode de vie. Vivant en couple fidèle, ils passent leurs journée sur la plage, à jouer et dormir, et vont régulièrement nager dans l’océan afin d’y trouver leur nourriture. Leur principal prédateur, le lion de mer, rode en nombre à quelque mètres de la plage, et fait un certain carnage dans la population junior. Cela donne un spectacle impressionnant, qui permet de se poser les bonnes questions sur le rôle de l’homme sur notre belle planète.
La météo est assez comparable à celle de l’Islande, à savoir que le temps change constamment. Le vent toujours très fort offre beaucoup de soleil, et une petite averse en moyenne toutes les heures. Le soleil est très fort, la finesse de la couche d’ozone rendant toute exposition de la peau à de graves coups de soleil. Je resterai constamment protégé et couvert.
Dès que le soleil est présent, la température avoisine les 15 degrés, par contre quand le vent vient du sud, il apporte un air froid et sec en provenance de l’antarctique, qui impose une bonne couche de vêtements.
Je quitte le surlendemain Volunteer Point avec un vrai pincement au cœur. Mon chauffeur, un ami de Derek, manie son beau Def comme un … manchot ! Je retiens mes critiques quand j’entends l’embrayage protester, espérant juste qu’on arrivera à destination entier. Je ne vais pas me faire des amis parmi les Landistes, mais face au Toy le Land est franchement moins confortable.
Quelques vertèbres tordues plus tard, le chauffeur me dépose à Port Stanley, la capitale des Malouines. Fort de 2.000 habitants, Stanley est la plus petite capitale au monde. Pas grand-chose à y voir, l’architecture des maisons me rappelle un peu le Québec, les couleurs vivent en plus.
C’est l’heure pour moi de réceptionner mon 4×4 de location. Un peu fébrile car il n’y a qu’un seul loueur sur l’ile, et il m’était impossible de savoir à l’avance quel modèle on allait m’attribuer. C’est finalement un Pajero Long en plutôt bon état qui m’est remis. J’inspecte directement les pneus, des A/T tous neufs, c’est parfait. Le Pajero n’est pas très haut sur pattes, mais comme je le conduis à vide ça ira très bien, même dans les ornières. Il est temps de faire le plein dans l’unique station-service de l’île. Chaque goutte compte, j’ai 600 km à faire avec un seul plein !
Le lendemain matin, départ pour l’ouest de l’ile. Le paysage est à mi-chemin entre la pampa et l’Irlande, dont les sols sont recouverts d’herbes sauvages, qui constituent l’alimentation des centaines de milliers de moutons qui sont élevés sur l’ile.
Cette nature pourrait être bucolique si les Argentins n’avaient pas enfouis des milliers de mines pendant la courte guerre des Malouines. De très nombreux champs de mines sont toujours bien présents, mais fort heureusement parfaitement balisés. Après les avoir simplement ignorés pendant des années, les habitants de l’ile ont décidé de nettoyer ces espaces. Pour cela, ils font appels à une main d’œuvre importée d’Afrique, qui fouille centimètre par centimètre les pâturages, protégé par un plastron et un casque anti-mine, parfaitement similaire aux équipements des Marines en Irak.
Je profite de ces deux heures de piste roulante pour tester un peu le Pajero. Puissant, confortable, très bonne tenue de route. La vitesse est limitée à 90 km/h, mais en dehors de l’axe entre la capital et l’aéroport, les forces de police sont assez rare sur les pistes du reste de l’ile. Je pousse le Pajero à 130 km/h, il garde parfaitement son cap sur la piste bien plate, malgré le vent. Impeccable.
A l’occasion d’un excès d’optimisme j’ai tout de même arraché la protection qui se trouve sous le moteur. Une bonne ornière m’a permis de lever la voiture et de m’y glisser, le temps de bricoler une petite réparation de fortune.
La guerre des Malouines
C’est en visitant Goose Green, épicentre de la principale bataille de la guerre de 1982, que je me rends compte à quel point les habitants de l’ile sont marqués par ce conflit. C’est bien simple, il est omniprésent dans les discussions. Après questionnements, la guerre a duré 70 jours, n’a fait « que » 3 victimes parmi les habitants, et plusieurs dizaines parmi les troupes anglaises.
L’armée anglaise est d’ailleurs installée en force sur l’île, et rien ne prévoit de diminuer sa position. Il faut d’ailleurs comprendre que les Malouines, pardon, les Falklands Islands, sont une position stratégique pour l’armée de sa Majesté. Conjointement à l’ile de l’Ascension, également base militaire anglaise, les Royaumes Unis possèdent une présence forte militaire sur tout l’océan atlantique, de la pointe nord à la pointe sud. Je croise régulièrement des convois de militaires anglais, qui sont fiers de pouvoir participer à la vie de l’ile, à laquelle ils sont très attachés.
Difficile de trouver de réelles traces de la guerre, de fait de sa durée très court. Un militaire à la retraite me fait visiter le champ de bataille et m’explique avec moultes détails la principale bataille. Difficile d’imaginer qu’il y eut des combats sanglants sur ces terres désormais calmes et principalement peuplées de moutons, mais les nombreux cimetières et stèles en sont les preuves indélébiles.
La vie des éleveurs
L’activité économique de l’ile est principalement l’élevage de moutons. Je n’ai pas eu de chiffre officiel, mais apparemment plusieurs centaines de milliers de moutons y vivent en totale liberté. L’Union Européenne a d’ailleurs financé un abattoir ultra moderne, avec en compensation l’exclusivité de l’importation de cette viande de qualité.
Les éleveurs ont donc une vie assez tranquille, qui consiste une fois par an à regrouper leur troupeau à l’aide de quads, pour la tonte et pour l’envoi à l’abattoir. Le reste de l’année, c’est … très calme ! Les rares touristes sont une source d’occupation et aussi une source de revenus complémentaires.
Les maisons des éleveurs, les Settlements, sont totalement autonomes en énergie. Le chauffage est assuré par la combustion de tourbe, présente en abondance. L’électricité est produite par de petites éoliennes, secondées par des groupes électrogènes pour les rares périodes d’absence de vent. Enfin l’eau est simplement fournie par le ciel. Ici on boit l’eau de pluie, non filtrée, car elle est totalement pure.
Le tourisme sur les Malouines
En 2014 l’ile a recensé environ 20.000 touristes, dont 95% sont des croisiéristes. A noter que les bateaux de croisière passent sur l’ile les mardis et vendredis, pour quelques heures. L’ambiance de la capitale est alors très différente, des centaines de touristes équipés de chaussures et vêtements dignes d’une ascension de l’Everest se ruent sur l’unique magasin de souvenirs Made in China avant de remonter aussi vite sur leur paquebot. Ouf, quel choc.
Pour le reste, il y a un seul petit hôtel dans la capitale. Les éleveurs disséminés sur l’ile offrent des solutions de couchages assez confortables, mais parfois très chers. La plupart permettent de camper sur leurs terres, mais il faut au préalable leur demander l’autorisation.
Infos :
Se rendre aux Malouines
2 solutions pour se rendre aux Malouines :
- Soit le vol Madrid – Santiago – Punta Arenas – Malouines avec la compagnie LAN, très confortable. Compter 1.400 euros A/R
- Soit le vol de la Royal Air Force qui part d’Angleterre et se rends aux Malouines après un stop de 2 heures à l’ile de l’Ascension. Compter 3.000 euros A/R mais le voyage se fait en 18h.
Conseils, budget, dangers
Emporter une très bonne paire de chaussures de rando, il n’y a aucun chemin sur ces iles, donc attention aux chevilles. Crème solaire indispensable de décembre à février, ainsi que des vêtements chauds et protégeant de la pluie.
Le budget sur place peut être élevé si on décide de dormir dans les fermes (100 à 150 euros la nuit), mais beaucoup plus facile si on bivouac (entre 0 et 15 euros la nuit). Le diesel est à 0,50 euros le litre.
La meilleure période pour y aller n’est pas forcément pendant l’été, de décembre à février, malgré les températures plus douces, mais plutôt en mars-avril, pendant l’automne. Le vent a presque disparu, offrant ainsi un confort bien meilleur.
Il n’y a aucun danger sur l’ile, les habitants sont adorables et le sentiment de sécurité est total. Je n’ai jamais fermé à clé le 4×4, y compris dans la capitale. La plupart des habitants laissent la clé sur le contact.
Questions / remarques : info@voyageshorspistes.com